De nos jours, l’apparition de nouvelles maladies infectieuses est devenue un phénomène courant. Que ce soit à travers des pandémies, des flambées épidémiques localisées ou le retour d’anciens agents pathogènes, ces événements sanitaires surviennent désormais à un rythme alarmant, plusieurs fois par an. Ces dynamiques sont intimement liées à nos modes de vie, à nos rapports avec les milieux naturels et aux transformations profondes que nous imposons aux écosystèmes. Il devient donc crucial de saisir ces connexions pour mieux anticiper les crises sanitaires à venir – et, si possible, les prévenir. Le Dr Arnaud Machelart, chargé de recherche INSERM au “Centre d’Infection et d’Immunité de Lille” nous en dit plus !

Paysage naturel riche en biodiversité, essentiel pour prévenir l’émergence des maladies infectieuses

Quels sont les principaux mécanismes par lesquels les activités humaines influencent l’émergence de nouvelles maladies infectieuses ?

Plus de 70 % des maladies infectieuses émergentes chez l’humain sont d’origine animale. Ces zoonoses ne sont pas de simples fatalités : elles sont directement liées à nos modes de vie et à nos interactions croissantes avec la faune sauvage.

La déforestation fragmente les habitats naturels et rapproche des espèces réservoirs – comme les chauves-souris ou les rongeurs – des zones habitées. L’élevage intensif, quant à lui, favorise la circulation des virus et l’émergence de bactéries résistantes, sous l’effet de la promiscuité animale et de l’usage massif d’antibiotiques.

Le commerce d’animaux sauvages, souvent dans des conditions sanitaires précaires, renforce aussi les risques de transmission. La mondialisation permet à un virus local de devenir mondial en quelques heures, tandis que le changement climatique étend l’aire de certaines espèces vectrices, comme le moustique-tigre.

Enfin, la perte de biodiversité affaiblit les mécanismes naturels de régulation. Quand les écosystèmes se dégradent, les espèces réservoirs prolifèrent, augmentant les risques de zoonoses.

Quelles sont les conséquences de l’effondrement des écosystèmes sur notre santé ?

Notre santé dépend étroitement de la biodiversité. Quand les écosystèmes se dégradent, les mécanismes naturels qui limitent la propagation des agents pathogènes se dérèglent. En temps normal, la diversité des espèces – notamment les prédateurs ou les compétiteurs – limite la prolifération de vecteurs de maladies comme les tiques ou certains rongeurs.

C’est ce qu’on appelle l’effet de dilution : dans un environnement riche, les agents pathogènes ont moins de chances de trouver un hôte adapté pour se transmettre à l’humain. À l’inverse, lorsque la biodiversité s’effondre, les espèces les plus opportunistes, souvent porteuses de virus ou de bactéries, prennent le dessus. L’exemple bien connu est celui de la maladie de Lyme, favorisée par la disparition des grands prédateurs dans certaines forêts.

Mais l’enjeu dépasse largement les maladies infectieuses. La disparition des arbres aggrave la pollution de l’air et donc les pathologies respiratoires. Les zones humides, en recul constant, purifient naturellement l’eau ; leur destruction accroît les risques de contamination. Quant aux sols dégradés, ils produisent des aliments moins riches, augmentant les carences nutritionnelles et la vulnérabilité aux infections.

Enfin, il ne faut pas négliger l’impact psychologique de cette dégradation. Le lien rompu avec la nature, l’impuissance face aux crises écologiques ou la répétition des catastrophes climatiques alimentent un mal-être croissant. De plus en plus de personnes développent ce qu’on appelle une éco-anxiété, entre stress chronique et sentiment d’impasse.

Personne préoccupée par les enjeux environnementaux, illustrant l’éco-anxiété liée aux maladies infectieuses émergentes

Quels gestes du quotidien pouvons-nous adopter pour prévenir les risques liés aux maladies émergentes d’origine environnementale ?

Chacun peut agir à son niveau pour prévenir les maladies liées à la dégradation de l’environnement. Réduire la consommation de viande d’élevages intensifs, souvent polluants et favorisant l’émergence de pathogènes, est un geste simple. Privilégier des produits locaux, biologiques et de saison soutient une agriculture plus respectueuse de la biodiversité, qui nous protège.

Il est aussi important de limiter nos contacts avec la faune sauvage, en évitant notamment l’achat de produits issus d’animaux exotiques, souvent liés à des marchés mal régulés et à des risques zoonotiques. En voyage, la vigilance est de mise : éviter les contacts avec des animaux sauvages ou mal soignés, refuser les activités proches des espèces porteuses de maladies, et s’informer sur les précautions sanitaires.

La prévention contre les moustiques, vecteurs en expansion avec le réchauffement climatique, est essentielle. Éliminer l’eau stagnante, utiliser moustiquaires, répulsifs et vêtements couvrants réduit les risques.

Enfin, adopter un mode de vie plus responsable – réduire les plastiques à usage unique, limiter pesticides et produits toxiques, trier les déchets, économiser l’eau – aide à préserver nos milieux naturels. S’informer et s’engager localement, par exemple dans des actions de reboisement ou de sensibilisation, permet de renforcer notre lien avec la nature tout en diminuant les risques sanitaires.

Et pour ceux liés aux changements environnementaux ?

Le dérèglement climatique impacte déjà notre santé : vagues de chaleur plus fréquentes, aggravation de la pollution de l’air, multiplication d’événements extrêmes comme inondations ou incendies, avec des conséquences physiques et psychologiques, notamment pour les plus fragiles.

Chacun peut agir facilement en améliorant l’isolation de son logement ou en choisissant des équipements énergétiques performants. Repenser ses déplacements en favorisant transports en commun, marche ou vélo réduit les émissions tout en encourageant l’activité physique. Participer à la végétalisation urbaine – plantations, jardins partagés, toits verts – aide à atténuer la chaleur, purifier l’air et renforcer le lien social.

Au-delà des actions individuelles, soutenir les politiques publiques pour une transition écologique est essentiel. Par des choix de consommation responsables et l’appui aux initiatives locales ou nationales, chacun contribue à renforcer la résilience collective face aux défis environnementaux et sanitaires.

Quel rôle joue la recherche dans l’anticipation des crises sanitaires liées à l’environnement ?

La recherche scientifique est essentielle pour prévenir, anticiper et contenir les crises sanitaires liées à l’environnement. L’objectif n’est plus seulement de réagir à une épidémie, mais de développer une stratégie de préparation en amont, appelée « preparedness », car une nouvelle pandémie peut survenir à tout moment. Il faut des systèmes capables de répondre rapidement, efficacement et collectivement.

Au niveau international, l’OMS, les agences sanitaires, chercheurs et décideurs collaborent régulièrement pour détecter précocement les signaux d’alerte, coordonner les réponses et garantir un accès équitable aux traitements et vaccins. Certains pays visent à développer un vaccin en moins de 100 jours après la découverte d’un virus.

En France, l’Institut Pasteur de Lille (IPL) est engagé dans cette dynamique. Ses équipes modélisent la propagation des infections pour identifier les risques, développent des plateformes de criblage rapide de molécules pour trouver des traitements efficaces, et travaillent sur des stratégies vaccinales innovantes adaptables aux nouveaux agents pathogènes.

L’IPL étudie aussi les liens entre pollution, environnement et maladies chroniques, qui affaiblissent le système immunitaire et augmentent la vulnérabilité aux infections. Préserver la santé environnementale, c’est renforcer la résilience face aux épidémies.

Le Centre Prévention Santé et Longévité de l’IPL accompagne le public avec des conseils personnalisés, notamment avant les voyages, et diffuse des supports éducatifs sur les risques infectieux et les bonnes pratiques.

Pour que la recherche soit efficace, elle nécessite des financements stables, des collaborations internationales durables et un dialogue permanent avec citoyens et décideurs. Anticiper, c’est aussi informer, former et accompagner la transition vers une société plus résiliente face aux menaces sanitaires.

Dr Arnaud Machelart
Chargé de recherche INSERM à l’Institut Pasteur de Lille.

Sources :