Mustart, un consortium français pour le développement de nouvelles thérapies antituberculeuses

Fléau du 19e siècle, la tuberculose, n’a jamais été éradiquée. Aujourd’hui en France, l’identification rapide des cas de tuberculose (investigation, dépistage ciblé) ainsi que le traitement des infections tuberculeuses latentes identifiées restent les éléments principaux de la lutte antituberculeuse, complétée par la vaccination BCG (Bacille de Calmette et Guérin) qui protège surtout contre les formes graves chez l’enfant. Cependant la tuberculose tue plus dans le monde que toute autre maladie infectieuse. Plus d’un million de personnes en décède chaque année. Cette maladie qui demeure compliquée à prévenir est d’autant plus complexe à traiter puisqu’elle devient résistante aux traitements antibiotiques. La tuberculose représente un risque sérieux de pandémie pour la France, et pour le monde entier. Les chercheurs de l’Institut Pasteur de Lille, dans les pas d’Albert Calmette et de Camille Guérin, co-découvreurs du BCG, mettent tout en œuvre pour lutter contre ce fléau. Plusieurs équipes reconnues mondialement ont fait de cette thématique leur spécialité, et travaillent sur différents projets pour développer les thérapies de demain.

Découvrez le projet Mustart, mené par le Dr Alain Baulard

Alain Baulard, Docteur en Biologie moléculaire et Directeur de recherche Inserm au sein du Centre d’Infection et d’Immunité de Lille (CIIL), mène des recherches de pointe contre la tuberculose. Il a notamment élucidé les mécanismes d’action et de bioactivation de plusieurs antibiotiques antituberculeux. Son équipe a également mis en évidence la capacité de Mycobacterium tuberculosis, l’agent responsable de la maladie, à moduler sa propre sensibilité aux antibiotiques via des régulations transcriptionnelles. Ces découvertes ont conduit au développement de candidats médicaments capables de perturber ce contrôle et de rendre la bactérie hypersensible à certains traitements. Les avancées récentes obtenues avec ses collaborateurs apportent une contribution majeure à la lutte contre cette maladie, qui demeure, rappelons-le, la principale cause de mortalité infectieuse dans le monde.

Pourquoi est-il nécessaire de développer de nouvelles thérapies antituberculeuses ?

Alain Baulard : Encore trop souvent considérée comme une maladie du passé, la tuberculose demeure pourtant l’une des principales causes de mortalité infectieuse dans le monde, avec près de 3 500 décès chaque jour. En plus du vaccin, il existe aussi des antibiotiques contre ce pathogène. Mais des souches résistantes à tous ces traitements sont en train de se propager. Une partie des souches est résistante à tous les antibiotiques utilisés actuellement, ce qui est très préoccupant, car il devient impossible de guérir les personnes atteintes par ces souches multirésistantes. L’antibiorésistance de la tuberculose présente non seulement un risque pour les voyageurs, mais aussi pour les déplacés économiques et climatiques pour les années à venir. Un peu partout, les multirésistances aux antibiotiques gagnent du terrain, et risquent de devenir extrêmement problématiques.

En quoi consiste ce consortium Mustart, et qui le compose ?

AB : La réduction de l’incidence mondiale de la tuberculose observée chaque année est trop faible pour compenser l’augmentation inquiétante de la multirésistance aux antituberculeux et il est urgent de disposer de combinaisons de nouvelles classes d’antibiotiques qui ciblent les mycobactéries dans leurs différentes niches. Le projet Mustart, coordonné à l’échelle nationale par l’Institut Pasteur de Lille, rassemble neuf équipes françaises de premier plan autour d’un objectif majeur : développer de nouveaux antibiotiques contre Mycobacterium tuberculosis (Mtb). Aujourd’hui, les traitements antituberculeux sont longs et complexes, favorisant la résistance et générant des effets secondaires importants. Mustart s’attaque donc au cœur du problème : raccourcir et améliorer l’efficacité des traitements.

 

En ce début d’année, l’Institut Pasteur de Lille a accueilli les partenaires du consortium pour leur réunion de mi-parcours. Pouvez-vous nous faire un retour ce moment, et un bilan de vos avancées ?

AB : Au cours de cette réunion de mi-parcours, les équipes ont présenté leurs avancées. Plusieurs pistes innovantes ont été discutées, notamment la conception de “boosters” de médicaments existants afin de contrer les mécanismes de résistance et de réactiver certaines molécules devenues inefficaces. De nouvelles bibliothèques de composés sont également en cours de constitution pour élargir l’espace chimique, offrant ainsi de multiples opportunités d’identifier de futurs candidats-médicaments.

Parmi les dix projets structurants du consortium, certains s’attachent à débusquer et éliminer les bacilles “dormants” ou “persistants”, responsables de récidives lorsqu’ils se réactivent après un traitement classique. D’autres s’intéressent aux systèmes toxines-antitoxines (TA), clés de compréhension des mécanismes de virulence et de résistance de la bactérie. L’étude de la protéine O-mannosyltransférase (MtPMT) ouvre également des perspectives novatrices pour cibler la virulence de M. tuberculosis. Enfin, Mustart mise sur des approches “pharmaco-complémentaires” : combiner des molécules qui se potentialisent mutuellement pour augmenter l’effet de la puissance ou de l’efficacité afin attaquer la bactérie sur tous les fronts.

Tous les partenaires s’accordent : cette approche intégrée ouvre des perspectives thérapeutiques nouvelles et fait gagner un temps précieux dans la course contre cette terrible maladie qui demeure un enjeu majeur et planétaire de santé publique.

Alain Baulard

Quelle est la force de ce consortium et de équipes impliquées ?

AB : La dynamique collégiale insufflée par Mustart s’appuie sur une infrastructure d’excellence couvrant l’intégralité de la chaîne de découverte, depuis la recherche fondamentale jusqu’aux essais précliniques. La constitution de chimiothèques inédites, enrichies de composés d’origine naturelle et de synthèse, pour étendre l’espace chimique, les technologies de biophysique et de génétique les plus innovantes, et les expertises en pharmacocinétique et pharmacodynamie permettent aux membres du consortium de progresser rapidement.

Quelle serait votre conclusion à l’issue de cette réunion de mi-parcours ?

AB : Le bilan présenté par les équipes scientifiques et par le coordinateur administratif de l’Institut Pasteur de Lille Ruddy Duthoit, a confirmé les avancées de Mustart et souligné l’importance de la mutualisation des connaissances et des ressources. Tous les partenaires s’accordent : cette approche intégrée ouvre des perspectives thérapeutiques nouvelles et fait gagner un temps précieux dans la course contre cette terrible maladie qui demeure un enjeu majeur et planétaire de santé publique.

Qu’est-ce que la tuberculose ?

AB : La tuberculose est une maladie grave, souvent mortelle, due à un bacille (Mycobacterium tuberculosis) qui infecte principalement les poumons mais qui peut également atteindre d’autres organes, et même se loger dans certaines cellules à l’état de dormance, ce qui explique la pratique d’une polythérapie pour son traitement. C’est une maladie fortement transmissible par voie aérienne, par dispersion de gouttelettes de secrétions bronchiques provenant d’un malade contagieux.