Dans la foulée de la publication par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) de ses premières lignes directrices sur l’utilisation des analogues du GLP-1 dans le traitement de l’obésité, nous avons sollicité l’avis du Pr Philippe Froguel, expert international du diabète et de l’obésité, directeur de l’EGID à l’Institut Pasteur de Lille.

Un tournant attendu et révélateur d’une demande sociétale forte.

Pr Philippe Froguel - Génétique et diabète

Philippe Froguel, médecin et enseignant-chercheur en endocrinologie, biologie moléculaire et génétique, se situe à la pointe de la recherche en médecine génomique à la tête d’un laboratoire franco-britannique basé à Lille et à Londres. Il est également le Responsable Scientifique et Technique du Centre National de médecine de Précision des Diabètes (PreciDIAB).

Pour le Pr Froguel, la décision de l’OMS traduit « une réponse claire à une demande sociétale » dans un contexte où l’obésité touche 25 % de la population dans les Hauts-de-France.
« Nombreux sont ceux qui aimeraient accéder à ces traitements », souligne-t-il, rappelant que les analogues du GLP-1 constituent aujourd’hui « des médicaments très efficaces » pour réduire l’obsession alimentaire — non pas des coupe-faim, mais « des traitements qui agissent comme des anti-addictifs ».

Il insiste cependant : « Aucun médicament n’est une banalité. Le GLP-1 ne guérit pas l’obésité : il la soigne. Et comme pour beaucoup de maladies chroniques, si l’on arrête le traitement, la maladie reprend. »

Un enjeu majeur d’équité : “Ceux qui en auraient le plus besoin n’y ont pas accès”.

Le GLP-1 soigne, mais la prévention protège. On dit souvent qu’il vaut mieux prévenir que guérir ; ici, on peut même dire qu’il vaut mieux prévenir que soigner.

Pr. Philippe Froguel

Le principal frein identifié par l’expert reste l’accès au traitement. Aujourd’hui en France, les analogues du GLP-1 ne sont pas remboursés pour l’obésité, mais uniquement pour les personnes vivant avec un diabète de type 2.

« C’est pourtant parmi les populations les plus défavorisées que l’obésité est la plus fréquente et la plus sévère. Ce sont précisément celles qui devraient y avoir accès en priorité : c’est totalement contre-intuitif. »

Pour le Pr Froguel, il serait déjà essentiel que le traitement soit accessible au minimum aux personnes obèses hospitalisées, souvent confrontées aux formes les plus graves de la maladie et de ses complications.

La prévention : le véritable défi de santé publique

Malgré l’efficacité du GLP-1, l’expert insiste : « Les médicaments ne suffiront pas. »
L’obésité reste une maladie chronique et multifactorielle, profondément ancrée dans les environnements et les conditions de vie.

Selon lui, la véritable priorité reste :

  • le repérage le plus précoce possible,
  • un accompagnement global, associant alimentation, activité physique et suivi adapté,
  • un travail auprès des familles, car l’obésité infantile et familiale progresse fortement.

Conclusion

Les recommandations de l’OMS constituent une étape historique dans la prise en charge de l’obésité. Mais comme le rappelle le Pr Philippe Froguel, leur impact ne sera réel que si elles s’accompagnent d’un accès équitable à ces traitements et d’un renforcement massif des politiques de prévention, seul moyen d’endiguer durablement l’épidémie mondiale d’obésité.