Les virus émergents : un enjeu de santé publique majeur

Les virus qui nous entourent sont souvent invisibles, mais leurs signaux sont essentiels. Que nous disent-ils de notre environnement ? Comment ces agents infectieux, capables de provoquer des pandémies, émergent-ils ? Et pourquoi la recherche est-elle notre meilleure arme pour les combattre ?

Cette semaine, nous avons rendez-vous avec la chercheuse Sandrine Bellouard pour explorer le monde fascinant des virus émergents. Directrice de recherche au CNRS et virologue à l’Institut Pasteur de Lille, elle nous éclairera sur l’enjeu de santé publique que représentent ces menaces et sur le rôle crucial de la recherche fondamentale dans l’anticipation des crises sanitaires de demain.

Qu’est-ce qu’un virus émergent ?

Les virus émergents sont des agents infectieux qui apparaissent pour la première fois ou dont l’incidence augmente rapidement dans une population. On parle aussi de maladies infectieuses émergentes. La plupart de ces virus, comme le coronavirus responsable du SARS-CoV-2, sont d’origine animale. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 60% des maladies infectieuses humaines sont des zoonoses, c’est-à-dire des maladies transmissibles de l’animal à l’homme.

La propagation de ces pathogènes est étroitement liée aux activités humaines et à leurs conséquences sur l’environnement. La déforestation, l’urbanisation, l’élevage intensif et la perte de la biodiversité favorisent les contacts entre l’homme et la faune sauvage, augmentant ainsi le risque que des virus franchissent la barrière d’espèces et s’adaptent à un nouvel hôte. Le changement climatique joue également un rôle, en étendant l’aire de répartition de certains vecteurs comme les moustiques et les tiques qui peuvent transmettre des maladies virales comme le dengue ou la maladie de Lyme.

C’est là qu’intervient le concept d’« Une seule santé » (One Health). Ce concept souligne l’interconnexion entre la santé humaine, la santé animale et la santé environnementale. L’émergence de nouveaux virus et le risque pandémique ne peuvent être compris qu’en considérant ces trois domaines ensemble. C’est en agissant sur ces trois fronts que nous pourrons nous prémunir des crises sanitaires futures, et ainsi limiter la mortalité liée à ces pathologies.

La recherche au cœur de la lutte contre les virus émergents

La recherche fondamentale est cruciale pour faire face à la menace que représentent les virus émergents. L’objectif est de comprendre en profondeur le cycle de vie de ces agents pathogènes : comment ils infectent les cellules, se multiplient et se répliquent, et comment ils déclenchent une réponse immunitaire. Ces connaissances sont la base de la veille sanitaire et de la recherche clinique.

À l’Institut Pasteur de Lille, les équipes de chercheurs étudient des familles de virus comme les coronavirus pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques. L’approche est double :

1. Compréhension des mécanismes viraux : La virologie et la biologie cellulaire permettent d’étudier le génome viral et de décrypter les mécanismes par lesquels le virus contourne les défenses de l’organisme.

2. Développement de molécules : Les chercheurs s’attellent à identifier des molécules, notamment par des criblages à haut débit, qui pourraient bloquer la réplication du virus. L’objectif est de développer des antiviraux qui agissent sur différentes étapes du cycle viral, afin de prévenir l’apparition de souches résistantes et d’assurer une meilleure prise en charge des infections.

Ces travaux permettent de construire un « arsenal préparé » pour faire face aux futures pandémies. En capitalisant sur les connaissances acquises lors de la crise du SARS-CoV-2, les chercheurs peuvent anticiper les menaces posées par d’autres coronavirus ou d’autres familles de pathogènes émergents.

Pour en savoir plus sur les programmes de recherche de l’IPL, découvrez notre dossier thématique sur les maladies infectieuses émergentes et l’antibiorésistance !

Les pistes thérapeutiques face aux virus et à l’antibiorésistance

Face aux maladies infectieuses émergentes, deux menaces principales se dressent : les virus et les bactéries résistantes aux antibiotiques. La recherche de l’Institut Pasteur de Lille s’attaque aux deux fronts.

1. La lutte contre les infections virales

La recherche de nouveaux antiviraux est une priorité. Plutôt que de repositionner d’anciennes molécules, les équipes de l’IPL se concentrent sur le développement de nouveaux médicaments. L’approche consiste à cibler des fonctions du virus qui sont essentielles et communes à toute une famille virale. Par exemple, l’inhibition d’une protéase partagée par tous les coronavirus permettrait d’agir sur un large spectre de virus, même ceux encore inconnus. Ces avancées ouvrent la voie à des thérapies plus efficaces, qui pourraient venir en complément de la vaccination.

2. L’antibiorésistance, l’autre grande menace

Parallèlement, un autre défi majeur est la résistance croissante des bactéries aux antibiotiques, ce qui complique la prise en charge des infections bactériennes. La tuberculose, par exemple, est une maladie infectieuse mortelle qui montre une résistance inquiétante. Les chercheurs de l’Institut Pasteur de Lille ont une approche innovante : l’utilisation de molécules appelées « Boosters » pour « faire marche arrière » sur la résistance des bactéries aux antibiotiques. Ces travaux, menés en recherche clinique, pourraient permettre de redonner de l’efficacité à des traitements existants et ainsi lutter contre les impasses thérapeutiques.

Pour approfondir le sujet de la recherche sur les maladies infectieuses et l’antibiorésistance, consultez notre dossier spécial.

Soutenir la recherche : un investissement pour la santé de tous

La recherche scientifique, qu’elle soit fondamentale ou appliquée, est notre meilleur atout pour anticiper et combattre les menaces sanitaires. Comme le souligne Sandrine Bellouard, ces deux types de recherches sont complémentaires. La recherche fondamentale, en nous permettant de comprendre les mécanismes les plus intimes des virus, pose les bases de la recherche appliquée, qui aboutit à la création de vaccins et de traitements.

Soutenir la recherche, c’est investir dans notre capacité à faire face aux pandémies futures. Les travaux sur les virus émergents, le développement de nouveaux antiviraux et la lutte contre l’antibiorésistance sont des missions de santé publique cruciales. Elles nécessitent des financements stables, des collaborations internationales et un dialogue constant entre scientifiques, citoyens et décideurs.

C’est grâce au soutien de donateurs et de mécènes que des avancées majeures peuvent être réalisées pour préserver la santé de tous. Chaque contribution permet à nos chercheurs de poursuivre leurs travaux sur le contrôle des maladies infectieuses et d’agir pour un avenir plus sûr.