Comment certaines bactéries “savent-elles” où elles se trouvent dans leur environnement ? Comment adaptent-elles leur programme génétique pour établir une infection transmissible ? Et comment ces mécanismes, partagés par de nombreux agents pathogènes, ouvrent-ils des pistes pour de nouveaux traitements ?
Cette semaine, nous nous penchons sur l’un de ces défis de santé publique avec le chercheur du CNRS Sébastien Bontangalo. Il nous éclaire sur la maladie de Lyme, une maladie infectieuse transmise par les tiques, et sur l’importance de la recherche pour mieux comprendre, prévenir et diagnostiquer cette pathologie.
Qu’est-ce que la maladie de Lyme et comment se propage-t-elle ?
La maladie de Lyme, également appelée borréliose de Lyme, est une maladie bactérienne causée par une bactérie en forme de spirale, la Borrelia burgdorferi, qui se transmet à l’humain par une piqûre de tique infectée. Contrairement à une morsure de tique, la piqûre est souvent indolore, et la tique peut rester accrochée à la peau plusieurs jours sans être remarquée. Toutes les tiques ne sont pas porteuses de la maladie, mais celles qui le sont peuvent la transmettre la maladie après un certain temps de fixation.
Cette infection est un problème de santé publique, avec des dizaines de milliers de nouveaux cas chaque année en France. La contamination est liée à nos écosystèmes. Le réchauffement climatique, par exemple, étend la zone de répartition des tiques infectées et prolonge la période pendant laquelle elles sont actives, ce qui augmente le risque de transmission. De plus, les modifications de la biodiversité, comme la disparition de certains réservoirs animaux, peuvent augmenter les risques de contact entre l’humain et les tiques porteuses.
Les symptômes de la maladie évoluent en plusieurs stades. Une piqûre de tique peut d’abord provoquer l’apparition d’une tache rouge autour de la zone, appelée érythème migrant. S’il n’est pas traité, le bactérie responsable peut se disséminer dans l’organisme et entraîner des symptômes de type grippal (fièvre, maux de tête, fatigue), puis des atteintes plus graves, notamment neurologiques (paralysie faciale, méningite), articulaires (arthrite) ou cardiaques.
L’importance de la recherche sur les maladies vectorielles
Les maladies vectorielles, comme la maladie de Lyme, posent de nombreux défis aux chercheurs. Le travail de Sébastien Bontangalo sur la Borrelia burgdorferi a permis de mieux comprendre comment la bactérie s’adapte à son environnement. Il a notamment étudié la manière dont elle perçoit l’osmolarité (la concentration en sel) dans le tube digestif de la tique. Lorsque la concentration en sel chute, la bactérie reçoit un signal qu’un nouveau repas de sang a lieu et se prépare à migrer vers les glandes salivaires de la tique pour infecter le nouvel hôte.
Cette compréhension fine des mécanismes d’infection partagés par de nombreux agents pathogènes, y compris Yersinia pestis (l’agent de la peste) sur lequel il travaille aujourd’hui, ouvre des pistes prometteuses pour le développement de nouveaux traitements et de mesures préventives.
En comprenant comment ces bactéries adaptent leur programme génétique, la recherche à l’Institut Pasteur de Lille cherche à développer des stratégies pour mieux les combattre, que ce soit en ciblant les points faibles des bactéries pathogènes ou en développant un vaccin efficace. Pour découvrir d’autres recherches passionnantes, plongez dans notre dossier sur la recherche à l’Institut Pasteur de Lille.
Quelles sont les pistes thérapeutiques et préventives ?
Le diagnostic de la maladie de Lyme reste un défi majeur, notamment car l’érythème migrant, le symptôme le plus visible, n’apparaît que dans environ 80 % des cas. De plus, les tests sérologiques actuels peuvent manquer de sensibilité, en particulier pour les souches de Borrelia circulant en Europe.
En cas de détection précoce, la maladie est généralement traitée avec succès par une antibiothérapie (comme la doxycycline ou l’amoxicilline) sur une période de 10 à 14 jours. Cependant, si la maladie est diagnostiquée tardivement, le traitement antibiotique peut être plus difficile et nécessite parfois une antibiothérapie intraveineuse. Dans certains cas, même après traitement, les patients peuvent développer un syndrome post-traitement de la maladie de Lyme, ce qui souligne l’urgence d’améliorer le diagnostic et la prise en charge.
La prévention reste la meilleure protection contre la maladie. Il est essentiel d’éduquer le public sur les bons gestes à adopter, comme :
- Porter des vêtements longs et de couleur claire pour mieux repérer les tiques.
- Utiliser des répulsifs anti-tiques sur la peau et les vêtements.
- Inspecter soigneusement son corps et son cuir chevelu après une promenade en forêt ou dans des herbes hautes.
- Retirer une tique le plus rapidement possible à l’aide d’un tire-tique ou d’une pince fine.
La recherche continue à explorer de nouvelles pistes pour comprendre les spécificités des différentes souches et développer des outils diagnostiques plus fiables.
Soutenir la recherche : un enjeu vital
La recherche scientifique est essentielle pour répondre aux grands défis de santé publique. Dans le cas de la maladie de Lyme, les enjeux sont multiples : mieux comprendre la bactérie, améliorer les outils de diagnostic, développer de nouveaux traitements et renforcer la prévention. L’engagement de l’État, avec une enveloppe de 10 millions d’euros votée en 2023, est une étape cruciale pour soutenir ces efforts.
Les travaux sur les maladies infectieuses et vectorielles à l’Institut Pasteur de Lille, qu’il s’agisse de la peste ou de la maladie de Lyme, permettent de mieux prévenir cette maladie et d’autres pathologies émergentes. Soutenir la recherche, c’est investir dans notre capacité à faire face aux crises sanitaires de demain. C’est grâce à ces efforts que nous pourrons non seulement soigner, mais aussi mieux comprendre et prévenir les maladies transmises par les vecteurs, pour une santé globale plus résiliente.