Le concept de réserve cognitive a émergé fin des années 80 aux Etats-Unis en partie grâce aux recherches de David Snowdon, épidémiologiste et professeur de neurologie, qui s’intéressa à un groupe de personnes, des nonnes, qui semblaient profiter d’un vieillissement en santé. Dans ce groupe, les femmes présentaient moins d’AVC, moins de pathologies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer. Ces nonnes semblaient bénéficier d’un vieillissement optimal et suscitaient la curiosité des chercheurs qui voulaient en comprendre les déterminants. Parmi elles, Mary, enseignante qui travailla jusqu’à ses 84 ans. On raconte que Mary était dotée d’une curiosité hors pair qu’elle nourrissait quotidiennement en lisant, étudiant et partageant ses connaissances jusqu’à son dernier souffle. A son décès, le cerveau de Mary fut autopsié et au plus grand étonnement, celui-ci présentait tous les signes anatomopathologiques de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé. Le constat est sans appel, il peut y avoir des différences entre le degré d’atteinte du cerveau et le fonctionnement cognitif dans les activités quotidiennes. De ces avancées le concept de réserve cognitive a commencé à émerger.

Origines et développement du concept de réserve cognitive

Le concept de réserve cognitive fait ainsi référence à la capacité du cerveau à faire face et compenser les effets de lésions et/ou du vieillissement cognitif. Ainsi, la réserve cognitive permet de maintenir ses fonctions cognitives dans de multiples activités face au vieillissement ou aux pathologies cérébrales. Une réserve cognitive élevée peut donc différer les premiers signes cliniques de pathologies neurodégénératives et contribuer à maintenir l’autonomie et la qualité de vie plus longtemps. Cela présente un intérêt clinique considérable en l’absence d’approches thérapeutiques robustes. Inversement, lorsque les manifestations cliniques apparaissent, le déclin fonctionnel est plus rapide chez les personnes ayant de bonnes capacités de réserve.

Les avantages d’une réserve cognitive élevée

Le concept de réserve cognitive est un modèle dynamique où les expériences accumulées tout au long de la vie vont contribuer à son essor. A l’instar de Mary, un style de vie stimulant préserverait du déclin cognitif. Ainsi, les années d’étude, les expériences professionnelles, les activités sociales et de loisirs, etc., favoriseraient le développement de la réserve cognitive et réduiraient le risque de développer certaines pathologies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer. Par exemple, plusieurs études ont souligné les bénéfices de la pratique musicale pour développer ses capacités de réserve et limiter les effets du vieillissement ou encore l’apprentissage et la pratique régulière d’une langue étrangère. Par ailleurs, il serait un leurre de penser qu’une activité spécifique protège contre la démence ou le vieillissement cognitif. Il est intéressant de noter que ce n’est pas tant le type d’exercice et le niveau d’expertise qui influencent les capacités de réserve, mais les diverses fonctions engagées par ces différentes activités. Les activités mentionnées ci-dessus sont remarquables à cet égard car elles engagent des capacités sensorielles, motrices et cognitives variées. Par exemple, apprendre et pratiquer un instrument implique diverses compétences (audition, écoute) ainsi que des capacités cognitives telles que l’attention, les fonctions exécutives et sollicitent également les fonctions mnésiques et les émotions. Il en va de même pour d’autres activités qui sont stimulantes sur le plan intellectuel et physique comme la pratique sportive.

Facteurs de mode de vie influant sur la réserve cognitive

Par ailleurs, le concept de réserve cognitive ne se limite pas à la stimulation cognitive et est beaucoup plus large, englobant des facteurs d’influence liés au mode de vie (alimentation, sommeil…). De plus, dans une démarche préventive du déclin cognitif et de la démence, il est nécessaire d’inclure d’autres facteurs d’influence tels que la gestion des pathologies cardiovasculaires, des addictions, la santé mentale et des facteurs de risque et de protection directement ou indirectement liés à la réserve cognitive, ce qui implique avant tout une approche à la fois individuelle et holistique.

Manon Lenain
Psychologue Neuropsychologue
Centre Prévention Santé Longévité de l’Institut Pasteur de Lille