Quels sont les points communs entre le processus créatif d’un auteur de fiction et la recherche scientifique ? Cinq ans avant le Covid, l’écrivain à suspense Franck Thilliez écrivait le thriller Pandemia dans lequel il imaginait déjà une pandémie mondiale causée par un mystérieux virus. Les ressemblances avec la réalité sont déconcertantes, et pour cause : l’auteur s’est appuyé sur l’expertise des scientifiques de l’Institut Pasteur de Lille pour construire un récit le plus réaliste possible.

« Quand je cherche une idée pour un livre, je me demande quels sont les événements qui seraient susceptibles d’arriver dans le monde d’aujourd’hui et j’en choisis un. Je me suis demandé quel microbe pourrait provoquer une pandémie. Naïvement, j’avais en tête des trucs assez spectaculaires, des virus qui font saigner, comme Ebola par exemple. Mais on m’a dit “Non, non ! Il faut prendre des virus qui sont plus discrets, qui vont s’immiscer dans la population”. Par exemple, la grippe était idéale, donc j’ai choisi une grippe mutée. » En découle un roman que certains lecteurs ont qualifié de science-fiction à sa sortie, jusqu’à ce qu’il ne devienne un troublant reflet de notre réalité quelques années plus tard.

Arnaud Machelart, chercheur en infectiologie, revient sur le rôle crucial des scientifiques pour identifier les risques de demain : « Ça fait 50 ans qu’on étudie les épidémies, donc on sait ce qui peut être vraiment compliqué à gérer. Sur cette base, on regarde ce qui se passe si on fait varier un petit paramètre à gauche ou vers la droite. »

Quel pourrait être l’impact d’une modification de la biodiversité sur des virus que nous connaissons déjà ? Que se passerait-il si on ajoutait un deuxième agent pathogène dans l’équation ? Que se passerait-il si les agents pathogènes se propageaient par aérosol ou par voie sexuelle ? Autant de modélisations sur lesquelles travaillent les équipes de recherche. « On crée des outils pour essayer de se préparer à ce genre de pandémie si un jour elles émergent. C’est ainsi qu’on a pu être armés au moment où est survenu le Covid en 2019. Nos différentes équipes avaient une stratégie qui permettait d’aller tester de nouvelles bactéries. »

Cela nous amène à un point commun entre le travail de l’écrivain et celui du chercheur : l’importance de la créativité. Arnaud s’explique : « En fait, le métier de chercheur, c’est s’arrêter devant des choses que tout le monde peut voir et se demander comment ça marche, comment ça fonctionne. On a vraiment un parallèle avec ce qui se passe en littérature, dans le cinéma ou même le dessin. Je n’irai pas jusqu’à dire que la science est un art, mais on a besoin d’être créatif. C’est ce qui fait qu’à un moment donné, on est capable de réagir quand la chose improbable se produit. »

Antibiorésistance : une menace silencieuse

D’ici 2050, la résistance des bactéries aux antibiotiques pourrait devenir la première cause de mortalité au monde, devant le cancer et le diabète. Aujourd’hui, de nombreuses bactéries, comme Staphylococcus aureus résistants à la méticilline (SARM), développent des mécanismes sophistiqués pour contrer l’efficacité des antibiotiques. Ces bactéries résistantes représentent un défi colossal pour la santé publique mondiale, car elles rendent certains traitements inefficaces, créant de véritables impasses thérapeutiques.

L’antibiorésistance survient principalement en raison de l’utilisation massive et souvent inappropriée des antibiotiques, tant en santé humaine qu’animale. Les bactéries, au fil du temps, s’adaptent en développant des mécanismes de résistance. Par exemple, certaines bactéries ont la capacité de produire des enzymes qui détruisent les antibiotiques avant qu’ils n’atteignent leur cible, tandis que d’autres peuvent altérer leur membrane cellulaire pour empêcher la pénétration des antibiotiques.

Face à cette menace, la recherche sur de nouvelles molécules thérapeutiques est cruciale. À l’Institut Pasteur de Lille, les équipes travaillent sans relâche pour découvrir des solutions innovantes capables de lutter contre les bactéries multirésistantes. L’objectif est de développer des antibiotiques de nouvelle génération qui pourraient contrer ces résistances tout en préservant l’efficacité des traitements actuels.

Les enjeux de la recherche sur l’antibiorésistance

L’antibiorésistance pose un défi majeur aux chercheurs du monde entier. L’émergence de souches multirésistantes oblige la communauté scientifique à redoubler d’efforts pour identifier de nouvelles approches thérapeutiques. À l’Institut Pasteur de Lille, plusieurs programmes de recherche sont dédiés à cette problématique, notamment sur la tuberculose, une maladie qui tue encore 1,5 million de personnes chaque année.

Les chercheurs explorent diverses pistes pour combattre les résistances bactériennes. Parmi elles, le développement de molécules dites “boosters” qui, lorsqu’elles sont combinées à des antibiotiques existants, peuvent réactiver l’efficacité des traitements face à des souches résistantes. De plus, l’étude des mécanismes de résistance permet d’anticiper et de contrecarrer l’adaptation des bactéries. Par exemple, les travaux sur la modulation de la réponse immunitaire de l’hôte visent à renforcer les défenses naturelles contre les infections résistantes.

L’importance du soutien à la recherche : un investissement pour l’avenir

Le rôle de la recherche est fondamental pour lutter contre l’antibiorésistance, une menace qui ne cesse de croître. À l’Institut Pasteur de Lille, 75 % des fonds proviennent de dons, ce qui souligne l’importance du soutien public pour la poursuite de ces travaux essentiels. Chaque don est une contribution directe à la protection de la santé humaine contre des infections potentiellement mortelles. En finançant la recherche, vous participez activement à la découverte de solutions qui pourraient sauver des millions de vies.