Les rayonnements ionisants utilisés dans le traitement des cancers agissent en tuant les cellules cancéreuses par des mécanismes de cassures de l’ADN. Ces cassures de l’ADN peuvent évoluer en mutations au sein de cellules non cancéreuses qui ont survécu à l’irradiation. Après un long temps de latence, compris entre 2 et 30 ans, ces cellules peuvent elles-mêmes dégénérer pour donner un second cancer, différent de la récidive du cancer initialement traité. Ces seconds cancers restent rares (1 à 5 / 1000 cancers traités à 15 ans), dépendent des cancers initiaux et apparaissent le plus souvent non pas dans le territoire qui a été irradié directement, mais en bordure de celui-ci. Une équipe de l’Université de Lille, du CNRS et de l’Institut Pasteur de Lille a étudié, en collaboration avec le Centre Oscar Lambret, les mécanismes cellulaires et moléculaires à la base de la formation de ces cancers secondaires.

Les résultats obtenus montrent que des cellules non cancéreuses soumises aux très faibles doses en bordure d’un territoire irradié développent des cassures simple-brin de l’ADN, vieillissent prématurément à cause de cela (mécanisme de sénescence), puis certaines, très rares, évoluent vers un état cancéreux. Ces résultats ouvrent la voie à l’utilisation de sénolytiques, c’est-à-dire des traitements qui tuent spécifiquement les cellules vieillissantes, comme traitement adjuvant post irradiation, ou après d’autres traitements inducteurs de cassures de l’ADN, pour diminuer le risque de développer un cancer secondaire.

The out-of-field dose in radiation therapy induces delayed tumorigenesis by senescence evasion
Erwan GOY, Maxime TOMEZAK, Caterina FACCHIN, Nathalie MARTIN, Emmanuel BOUCHAERT, Jérôme BENOIT, Clémentine de SCHUTTER, Joe NASSOUR, Laure SAAS, Claire DRULLION, Priscille BRODIN, Alexandre VANDEPUTTE, Olivier MOLENDI-COSTE, Laurent PINEAU, Gautier GOORMACHTIGH, Olivier PLUQUET, Albin POURTIER, Fabrizio CLERI, Eric LARTIGAU, Nicolas PENEL, and Corinne ABBADIE.
eLife. 2022; 11:e67190 2022 Mar;18(3):167-176 doi.org/10.7554/eLife.67190