Douleurs chroniques : accélérez la recherche pour les personnes qui souffrent

 

Plus de 100 000 000 de personnes souffrent de douleurs chroniques dans le monde. Une douleur est considérée comme chronique lorsqu’elle dure depuis au moins trois mois. D’intensité plus ou moins aigüe, elle peut entraîner une profonde altération de la qualité de vie des personnes qui en souffrent.

À l’Institut Pasteur de Lille, l’équipe du Dr Priscille Brodin travaille sur les mécanismes fondamentaux de l’analgésie afin de trouver, à terme, des moyens de soulager des millions de personnes souffrant de douleurs chroniques, et ce, sans avoir recours à des médicaments entraînant des effets indésirables tels que la morphine.

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Analgésie : découverte d’un nouveau mécanisme

Dans le monde, 55 millions de personnes souffrent de douleurs lombaires, 31 millions de migraines et 16 millions d’arthrose. Des milliers d’autres, de zona, de fibromyalgie, de tumeurs cancéreuses ou de sciatiques. Comprendre les mécanismes fondamentaux impliqués dans la douleur chronique fait l’objet de recherches scientifiques depuis plusieurs années à l’Institut Pasteur de Lille. Nos chercheurs tentent de venir en aide aux millions de personnes dont le quotidien est gâché par ces douleurs chroniques. C’est en initiant des recherches sur la bactérie responsable de l’ulcère de Buruli, en collaboration avec l’équipe de Dr Laurent Marsollier à Angers, que les chercheurs ont découvert un lipide secrété par la bactérie, la mycolactone, ayant des propriétés analgésiques. « Il s’est avéré que ce lipide est à l’origine de l’absence de douleur chez les patients atteints d’ulcère de Buruli, responsable d’énormes plaies sur la peau qui sont normalement très douloureuses » affirme le Dr Priscille Brodin, directeur de recherche à l’Inserm et responsable d’équipe au Centre d’Infection et d’Immunité de Lille. En effet, la mycolactone agit sur le récepteur 2 de l’angiotensine 2 présent au niveau du neurone sensoriel primaire. Elle déclenche alors une décharge locale de potassium cellulaire, ce qui va empêcher la transmission de l’information nerveuse responsable de la douleur au cerveau. Cette découverte d’un nouveau mécanisme impliqué dans l’analgésie ouvre des perspectives prometteuses pour les personnes souffrant de douleurs chroniques.

Vers un traitement anti-douleur efficace

Actuellement, les traitements pour soulager la douleur sont nombreux mais imparfaits car non dénués d’effets secondaires ou de toxicité qui en limitent l’usage, comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), utilisés en première ligne, ou le paracétamol bien toléré aux doses recommandées mais très toxique pour le foie à des doses légèrement supérieures. La morphine et ses dérivés, quant à eux, provoquent constipation et dépression respiratoire, en plus de la dépendance, de la tolérance et du syndrome de sevrage. En outre, certaines douleurs, notamment celles provenant d’un dommage causé au neurone sensoriel lui-même, appelées douleurs neuropathiques, sont rebelles à la plupart des traitements disponibles. Il existe donc un besoin important dans ce domaine sous-étudié de la médecine.

L’enjeu des recherches de l’Institut Pasteur de Lille est donc capital : mettre au point un traitement antidouleur copiant les effets naturels de la mycolactone. Celle-ci a un effet analgésique de longue durée à très faibles doses. En effet, une seule dose de mycolactone permet de reproduire l’effet de 1 000 doses de morphine ! Les chercheurs pensent également qu’un antalgique agissant comme la mycolactone serait moins addictogène que la morphine. Pour parvenir à cet objectif ambitieux, nos chercheurs travaillent en lien avec le Drug Discovery Center, l’unité de recherche de découverte de nouveaux médicaments dirigée par le Pr Benoit Deprez. Ils cherchent ensemble, dans une importante bibliothèque de molécules, celles qui se comporteront comme la mycolactone : il faut à la fois qu’elles réussissent à se fixer sur les récepteurs spécifiques des cellules (le récepteur 2 de l’angiotensine 2), puis qu’elles déclenchent le même signal envoyé au cerveau pour empêcher la douleur. Il suffirait qu’une molécule réponde aux critères ci-dessus pour que les chercheurs puissent concevoir un nouveau prototype de traitement plus efficace et mieux toléré pour vaincre les douleurs chroniques.

Le saviez-vous ?

Les personnes souffrant de douleurs chroniques réalisent en moyenne 14 consultations médicales par an. Ces personnes sont également plus souvent hospitalisées et subissent des arrêts de travail plus fréquents que le reste de la population.

Depuis 2004, la lutte contre la douleur est devenue une priorité de santé publique en France. L’évaluation et la prise en charge de la douleur constituent un véritable enjeu en tant que critère de qualité. La loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé du 4 mars 2002 reconnaît également le soulagement de la douleur comme un droit fondamental de toute personne.

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Thématique de recherche

découverte de nouveaux médicaments