Insuffisance cardiaque : mesurer le risque de décès précoce

 

Mise à jour : 2019

En 2017, la France comptait 1 million d’insuffisants cardiaques. Chaque année, près de 70 000 décès liés à l’insuffisance cardiaque et plus de 150 000 hospitalisations sont recensés. Des chiffres qui montrent l’ampleur du phénomène, cause majeure de mortalité. L’Institut Pasteur de Lille a fait de la lutte contre les maladies cardiovasculaires une des priorités de son programme de recherche sur la Longévité.

Dossier insuffisance cardiaque

Qu’est-ce-que l’insuffisance cardiaque ?

L’insuffisance cardiaque correspond à l’incapacité du cœur à pouvoir fournir un débit sanguin suffisant pour les besoins de l’organisme. Le cœur ne peut alors plus répondre aux besoins énergétiques du corps et lui amener oxygène et nutriments. L’insuffisance cardiaque peut résulter de maladies du muscle cardiaque, d’une hypertension ou encore survenir après un infarctus. Dans un premier temps, la fréquence cardiaque augmente pour pallier à la perte de contractilité. Ensuite, sa paroi s’épaissit et ses cavités se dilatent : c’est l’hypertrophie cardiaque qui induit une fatigue du cœur menant à l’insuffisance cardiaque. Cette pathologie chronique est irréversible carune fois installée, elle s’aggrave, et l’espérance de vie à 5 ans est de 50%.

 Quels sont les symptômes de l’insuffisance cardiaque ?

Les symptômes de l’insuffisance cardiaque sont : 

    • L’essoufflement ou dyspnée de l’insuffisance cardiaque
    • Les œdèmes : gonflement de certaines parties du corps
    • La prise de poids en quelques jours
    • La fatigue physique

L’insuffisance cardiaque, une maladie cardiovasculaire

Les maladies cardiovasculaires en chiffres

Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité dans le monde. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, elles sont responsables de 17,7 millions de morts dans le monde chaque année, soit 31% des décès. En France, les pathologies cardiovasculaires sont la deuxième cause de mortalité, juste après les cancers et sont à l’origine d’environ 150 000 morts par an et 400 décès par jour. L’infarctus du myocarde encore appelé crise cardiaque (mort d’une partie des cellules cardiaques suite à l’obstruction d’une artère irriguant) est la maladie cardiovasculaire la plus meurtrière au monde. Il est à l’origine de 18 000 morts par an en France, soit 10% des décès.

Qu’est-ce qu’une maladie cardiovasculaires ?

Les maladies cardiovasculaires sont dues à une accumulation de dépôts de graisses sur les parois des artères. Ces dépôts forment des plaques appelées plaques d’athérome. Les parois des artères se durcissent, on parle alors d’athérosclérose. L’athérosclérose ne provoque dans un premier temps aucun symptôme. Puis, le rétrécissement des artères s’aggrave et entraîne un ralentissement de la circulation sanguine et une moins bonne oxygénation des organes (cœur, cerveau, muscles des jambes…). Les symptômes apparaissent. La formation d’un caillot peut interrompre brutalement la circulation sanguine et provoquer un accident cardiovasculaire.

Selon la partie du corps atteinte par l’athérosclérose, différentes maladies peuvent se déclarer :

  • L’atteinte des artères irrigant le cœur, ou artères coronaires, est appelée maladie coronaire. En fonction du degré d’obstruction, les symptômes sont différents et causent diverses pathologies cardiaques : l’angine de poitrine ou angor, l’infarctus du myocarde…
  • L’accident vasculaire cérébral (AVC) est dû à une atteinte d’une artère irriguant le cerveau. Il existe deux formes d’AVC : l’accident vasculaire cérébral ischémique et l’accident vasculaire cérébral hémorragique.
  • Une obstruction partielle ou totale d’artères des membres inférieurs peut causer une artérite des membres inférieurs ou artériopathie oblitérante.

Les maladies cardiovasculaires chez les femmes

Un défi majeur consiste à mieux diagnostiquer les maladies cardiovasculaires chez la femme. Selon l’étude Fast-MI 2015, entre 1995 et 2015, la mortalité des femmes 30 jours après un infarctus a chuté de 24 % à 5 %. Cependant, la proportion des femmes de moins de 60 ans victimes d’un infarctus est passée de 11,8 % à 25,5 %, entre 1995 et 2010. Inquiétante, cette hausse est notamment liée à l’augmentation du nombre de fumeuses. Ainsi, en 15 ans, le taux de fumeuses parmi les femmes victimes d’infarctus âgées de moins de 60 ans s’est envolé de 37,3 % à… 73,1 % ! Or le tabac favorise la maladie coronarienne. Et chez les jeunes femmes, ce risque est majoré du fait qu’il s’additionne à celui lié à la pilule contraceptive.

“Il est urgent d’intensifier la prévention contre les risques cardiaques du tabac chez la femme”, plaide Tabassome Simon, co-coordinateur du registre français des infarctus du myocarde. Mais joue aussi le fait que “les symptômes de l’infarctus chez la femme sont souvent trompeurs : il peut s’agir d’angoisses, de nausées et de douleurs abdominales, et non d’une forte douleur dans la poitrine comme chez l’homme, ce qui peut retarder le diagnostic “, explique Nabila Bouatia-Naji, coresponsable de l’équipe Génétique de la physiopathologie des maladies artérielles au Paris-Centre de Recherche Cardiovasculaire.

Comparativement aux hommes, les femmes auraient 40 % de risque en plus d’être mal diagnostiquées !

La recherche sur l’insuffisance cardiaque à l’Institut Pasteur de Lille

A l’Institut Pasteur de Lille, l’équipe du Dr Florence Pinet travaille sur de jeunes patients (58 ans environ) présentant une insuffisance cardiaque liée à un problème de fonctionnement du ventricule gauche, dite à fraction d’éjection altérée. La fraction d’éjection est un critère de jugement de la sévérité globale d’une maladie cardiaque. Elle représente en pourcentage le volume sanguin envoyé à chaque battement par le cœur aux autres organes. Normalement, la fraction d’éjection se situe autour de 65%. On parle de fraction d’éjection réduite en dessous de 45%. Les personnes atteintes d’insuffisance cardiaque ont alors des problèmes pour marcher ou encore pour monter les escaliers.

Cette recherche très appliquée sur l’insuffisance cardiaque représente un réel avantage pour les chercheurs de l’Institut Pasteur de Lille. Ils adoptent une démarche préventive avec différents axes : diagnostiquer l’insuffisance cardiaque et anticiper les conséquences délétères en trouvant des marqueurs qui permettent de prédire cette évolution. L’équipe espère pouvoir mettre au point des outils facilement utilisables à l’hôpital.

“A long terme, peut-être que les nouvelles technologies d’intelligence artificielle seront une aide à la décision pour le clinicien” ambitionne le docteur Pinet.

Avec le vieillissement de la population, l’équipe s’intéresse à un nouveau type d’insuffisance cardiaque, l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. Ces patients, majoritairement des personnes âgées et des femmes, n’ont pas ou peu de différence au niveau de la fraction d’éjection mais souffrent toute de même d’une insuffisance cardiaque. Compte tenu de l’allongement de l’espérance de vie et de l’explosion des facteurs de risque cardiovasculaires, il y a fort à parier que l’impact de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée sera une nouvelle pathologie à endiguer. Aujourd’hui, l’équipe continue de travailler sur les 6 protéines identifiées.

Les chercheurs tentent de savoir si ces 6 protéines suffisent à la prédiction du risque de décès précoce, mais également si elles permettent de prédire les autres types d’insuffisance cardiaque. De nouvelles cohortes de patients verront le jour afin de valider l’efficacité des protéines. Elles représentent un véritable espoir pour la prise en charge des patients insuffisants cardiaques.

La recherche sur les pathologies cardiovasculaires à l’Institut Pasteur de Lille

Athérosclérose

L’athérosclérose associe l’épaississement de la paroi des grosses artères, normal avec le vieillissement, à leur obstruction par des plaques (plaques d’athérome). Au fil des années, ces dépôts s’imprègnent progressivement de lipides, de fibrinogène, de plaquettes, de cellules sanguines, de calcium et se solidifient. L’athérosclérose est la cause principale de la majorité des affections cardiovasculaires : maladies coronariennes, insuffisance cardiaque, accidents vasculaires cérébraux…

A l’Institut Pasteur de Lille, le groupe du Dr Benoit Pourcet, dans l’équipe du Dr Hélène Duez, analyse le rôle de l’horloge biologique et notamment du récepteur nucléaire REV-ERBα dans le contexte du développement de la plaque d’athérosclérose.

L’athérosclérose est une maladie inflammatoire chronique des vaisseaux déclenchée par l’accumulation de cholestérol dans la paroi vasculaire. Ce dépôt, ou plaque d’athérome, entraine la formation de zones hypoxiques dépourvues en oxygène activant alors des phénomènes d’angiogenèse intraplaque pour venir approvisionner les zones hypoxiques en oxygène et nutriments. La formation de nouveaux vaisseaux dans la plaque d’athérome peut cependant entrainer sa déstabilisation, sa rupture et la formation d’un caillot engendrant un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral (AVC). Les chercheurs ont découvert que l’activation de REV-ERBα permettrait de réguler ces phénomènes et de limiter les incidents cardiovasculaires. L’équipe cherche également à savoir de quelle manière l’horloge biologique est altérée au cours du vieillissement ce qui permettrait de mieux contrôler les phénomènes inflammatoires au cours de l’âge.

Chirurgie cardiaque : des travaux prometteurs pour réduire encore les risques de complications

Les travaux des Pr David Montaigne et Bart Staels, (Institut Pasteur de Lille, CHU de Lille, Université de Lille, Inserm), ont démontré que le manque d’oxygène dont souffrent les cellules cardiaques lors d’une intervention chirurgicale était mieux supporté par le patient l’après-midi que le matin. D’où l’idée d’opérer les patients à haut risque (avec un diabète ou une insuffisance cardiaque) plutôt en après-midi. En cause, un récepteur nucléaire, le REV-ERBα, plus présent dans l’organisme en début de journée et qui augmente la sensibilité du cœur à l’ischémie (privation d’oxygène). Pour parvenir à ces conclusions, l’équipe a suivi près de 600 patients opérés du cœur au CHU de Lille entre 2009 et 2015. Les résultats sont clairs : les complications suite aux chirurgies cardiaques ont été moindres chez les patients opérés l’après-midi. Les deux professeurs mènent actuellement des travaux pour mettre au point un traitement permettant de limiter temporairement la production par l’organisme de ce récepteur nucléaire. Le défi est de taille, la mise au point d’un tel médicament permettrait d’opérer un patient à n’importe quel moment de la journée (notamment en cas d’urgence) en minimisant au maximum les risques de complications.

Podcast sur la maladie cardiovasculaire du foie gras

Itinéraire d’un chercheur

Annie Turkieh, un voyage depuis le Liban pour lutter contre les maladies cardiovasculaires

Arrivée du Liban il y a 14 ans, Annie Turkieh s’est rapidement spécialisée dans les maladies cardiovasculaires.

Depuis 2012, la post-doctorante travaille dans l’équipe “Recherche de déterminants moléculaires de maladies cardiovasculaires” à l’Institut Pasteur de Lille. Elle se focalise sur le remodelage ventriculaire et l’insuffisance cardiaque suite à un infarctus. L’étude de ces deux phénomènes s’effectue grâce à l’analyse de la protéine “Clusterine” et de l’ARN long non-codant “Lipcar”, découvert au sein même de l’équipe.

En parallèle de la recherche, Annie Turkieh enseigne la biologie fondamentale et la génétique dans des instituts de formation en soins infirmiers. Déterminée et passionnée, elle rappelle qu’“il faut avant tout faire ce qu’on aime et ne pas hésiter à faire des sacrifices pour réussir et être heureux.”

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Thématique de recherche

maladies cardiovasculaires pasteur lille